Le 24 septembre 2013, un panel d’experts a débattu des questions qui se posent en présence de la presse, à l’occasion du lancement par la FIEB (Fédération de l’Industrie belge des Eaux et Boissons rafraîchissantes) d’une nouvelle plate-forme de référence sur les édulcorants intenses : www.edulcorants.eu. Le débat était animé par Hanne Decoutere, visage connu du journal de la VRT.
Faut-il supprimer complètement le sucre ?
« Le sucre ou les sucres ne sont pas malsains en soi, explique Magali Jacobs, « on les retrouve dans de nombreux aliments qui peuvent être considérés comme parfaitement sains, comme les fruits ou les produits laitiers ». Les sucres peuvent aussi être ajoutés aux aliments, boissons, préparations, il s’agit alors de sucres ajoutés. Bien entendu, on pourrait théoriquement se passer de sucres ajoutés. « Mais manger, c’est plus que se nourrir, c’est aussi apprécier la nourriture, ajoute Dirk Lemaître, « et le sucre n’est pas sur la liste des nutriments interdits ».
Évaluation de l’aspartame
La saveur sucrée plait, et c’est pour pouvoir en profiter, tout en réduisant les calories associées au sucre, que les édulcorants intenses ont été développés. « Intenses » parce que leur pouvoir sucrant est très élevé, ce qui leur permet d’être utilisés en toutes petites quantités. « Étant donné qu’ils ne sont pas consommés pour leur valeur nutritionnelle, ils entrent dans le groupe des additifs alimentaires, et sont étudiés en tant que tels pour garantir leur sécurité d’emploi », rapporte Wim Debeuckelaere. Parmi eux, « l’aspartame est l’additif actuellement le plus étudié. L’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) procède actuellement à une ré-évaluation de la sécurité de l’aspartame, la publication est attendue pour le mois de novembre, mais dans le rapport provisoire qui a été rendu au début de l’année, il n’y a pas eu de changement concernant la Dose Journalière Acceptable (DJA), à savoir 40 mg par kilo de poids corporel et par jour ».
Pas de surconsommation d’édulcorants
Lorsqu’un additif est autorisé dans l’Union Européenne, poursuit Wim Debeukelaere, le risque de surconsommation est extrêmement bas, même chez ceux qui en consomment dans tous les produits autorisés. Pour Magali Jacobs, s’il n’y a aucun risque de dépasser la DJA pour l’aspartame, la marge de sécurité est plus faible pour quelqu’un qui consommerait de nombreux produits à base de stévia, parce que la DJA est plus faible (4 mg/kg p.c./jour). Cependant, pour Marie-Louise Scippo, même en supposant que l’on atteigne un apport supérieur à la DJA pour l’édulcorant à base de stévia, cela ne constitue pas un risque pour la santé. «Il faut savoir que pour déterminer la DJA, on applique à la dose sans effet observable chez l’animal un facteur de sécurité de 100. Un léger dépassement de la DJA n’est pas dramatique. Un consommateur pourrait ingérer 3 à 4 fois la DJA sans risque pour la santé ». L’objectif poursuivi par les diététiciens reste cependant de viser à ne pas dépasser la DJA. Et les données relatives au niveau de consommation des édulcorants sont rassurantes : une étude menée en 2011 par l’Institut Scientifique de Santé Publique (WIV-ISP), à la demande du SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement , a montré que l’exposition des consommateurs adultes belges aux édulcorants artificiels est bien inférieure aux limites acceptables, et est donc considérée sans risque pour la santé, y compris pour les diabétiques et les grands consommateurs de produits « lights ». Il faut noter toutefois que cette étude a été réalisée avant la récente autorisation des édulcorants à base de stévia.
Information et désinformation
Mais alors, pourquoi l’aspartame a-t-il parfois mauvaise presse ? « Nos recherches ont montré que pour une information négative sur un sujet dans les médias, il fallait cinq informations positives pour la neutraliser », explique Wim Verbeke. Les informations alarmistes circulent mieux que les informations rassurantes, et ce indépendamment de leurs fondements scientifiques, et elles restent également plus longtemps dans la mémoire des consommateurs. « C’est précisément pour apporter une information à la fois claire et objective que la FIEB a développé une nouvelle plate-forme consacrée aux édulcorants intenses », explique David Marquenie. « Il s’agit du site www.edulcorants.eu, dont le contenu a été validé par des scientifiques, et qui présente de façon objective les différents édulcorants intenses utilisés en Europe, et comporte un outil qui permet facilement de calculer la quantité d’un aliment ou d’une boisson édulcorés qui faudrait consommer pour atteindre la DJA. Wim Verbeke : « c’est une initiative tout à fait appropriée puisque nos études montrent que 70 % des Belges déclarent ne pas savoir où trouver de l’information sur la nutrition et la santé.”
Pas d’accoutumance ni de dépendance
La presse a évoqué récemment que le sucre avait pour effet d’habituer au goût sucré, et que sa consommation créerait une dépendance, qu’en est-il ? Magali Jacobs, nutritionniste et psychologue, déclare que ” pour pouvoir parler de dépendance, il faut observer un phénomène d’habituation à la substance, c’est-à-dire que dans ce cas on aurait besoin de plus de sucre pour observer le même effet, ainsi que des symptômes en cas de sevrage si l’on arrête ou réduit la consommation. Or, ni le sucre, ni les édulcorants ne provoquent d’accoutumance. Il n’y a pas non plus de symptômes de sevrage lorsque l’on supprime ou réduit la consommation de sucre ».
110 % de boissons rafraîchissantes light de plus en 12 ans
David Marquenie explique que ”la gamme des boissons rafraîchissantes light augmente année après année. Entre 2000 et 2012, nous avons observé une augmentation de 110 %, contre 7 % pour les boissons rafraîchissantes sucrées classiques ». Wim Verbeke : « C’est une façon pour les producteurs de boissons rafraîchissantes de montrer leur souhait d’assumer leur responsabilité sociale. Proposer des alternatives sans calories est une bonne chose du point de vue de la santé publique ». « D’ailleurs », ajoute David Marquenie« les boissons rafraîchissantes light se situent dans le groupe des boissons dites « de base » de la pyramide alimentaire et contribuent à notre hydratation quotidienne ».
Conclusions
- Magali Jacobs: « 1. La sécurité des édulcorants (y compris l’aspartame) a été affirmée, et réaffirmée, il ne faut pas douter sur ce sujet. 2. Le sucre n’appelle pas le sucre, cela n’a pas été prouvé. »
- Marie-Louise Scippo : « Je voudrais souligner l’impartialité des scientifiques membres des panels qui élaborent les avis publiés par l’EFSA. J’ai moi-même participé à des réunions de ces panels, et je peux vous confirmer qu’il n’y a aucune raison de remettre en cause l’objectivité de leurs conclusions. »
- Dirk lemaître : « La variation est et reste le message le plus important. Les consommateurs sont de mieux en mieux informés sur l’alimentation, mais outre les aspects santé, les choix sont aussi influencés par le prix et le goût. »
- Wim Verbeke : « Les autorités veillent à ce que la sécurité alimentaire ne soit pas compromise. La création de est une très bonne initiative, parce que les consommateurs demandent des informations claires et simples. Il reste à voir maintenant comment elle peut être communiquée au mieux vers les consommateurs ».
Composition du panel d’experts
Le Panel était composé d’experts dans le domaine de la nutrition, la toxicologie, la réglementation européenne, les perceptions des consommateurs, l’association des consommateurs et de l’industrie des eaux et boissons rafraîchissantes. Il se composait de :
- Wim Debeuckelaere, Head of Sector Food Additives, DG SANCO, Commission Européenne
- Prof. Marie.-Louise Scippo, Département des Sciences des Denrées alimentaires, Université de Liège, membre du Collège du Conseil Supérieur de la Santé
- Prof. Wim Verbeke, Marketing Agro-alimentaire et Comportement du consommateur, Université de Gent
- Katrien Renders, Project Officer Food, TestAankoop
- Dirk Lemaître, Président de l’association des diététiciens flamands (VBVD)
- Magali Jacobs, Diététicienne et psychologue, membre actif de l‘Union Professionnelle des diplômés en Diététique de Langue Française’ (UPDLF) et Institut Paul Lambin
- David Marquenie, Secrétaire Général de la Fédération de l’Industrie belge des Eaux et Boissons rafraîchissantes (FIEB)